
Cyrille LIGAN
Il est revenu, le temps des grandes transhumances. Enchâssé dans un temps mort de la réforme du système partisan, le nomadisme politique se réveille et erre l’âme des plus opportunistes. Un feuilleton assez désolant, car vieux jeu, qui annonce le grand rendez-vous électoral du 8 janvier 2023. Corollaire des ambitions rivales qui se heurtent et s’entrechoquent, les démissions, débauchages et ralliements n’ont de limite que de bords politiques. De l’UPR au BR en passant par la FCBE, tous se livrent à une orgie politique où les fluides militants sont librement échangés. Face à cet état de choses, certains observateurs n’ont pas tardé à constater l’échec d’une réforme qui n’aura duré le temps d’une législature.
Pour autant, le mélange des fluides politiques augure-t-il l’échec de la réforme du système partisan ? En effet, pour attirer les cartes gagnantes et améliorer leurs scores électoraux, nombre de partis politiques, jadis adeptes des grands regroupements et du sédentarisme politique, n’hésitent pas à encourager la transhumance. Ainsi, des politiciens qui se rêvaient en candidats quittent leurs partis pour rallier d’autres formations politiques, dont l’idéologie est parfois aux antipodes de celle du parti auquel ils étaient affiliés, juste pour pourvoir décrocher le sésame. Les exemples dans ce sens sont sans conteste légions.
L’enjeu, cependant, dépasse cette destinée partisane, tant l’épisode représente plus qu’une énième vicissitude de la vie politique béninoise. Il porte en filigrane un véritable bouleversement des équilibres institutionnels et d’absence de visions et de constance politiques qu’a essayé de remédier la réforme du système partisan. Qu’à cela ne tienne. « La finalité de la réforme du système partisan, c’est de faire advenir chez nous des grands partis, d’envergure nationale, des partis qui soient suffisamment représentatifs pour conduire une politique d’Etat », a rappelé le porte-parole du gouvernement.
Le retour spectaculaire du nomadisme politique à l’approche des élections législatives perturbe cette ambition bien balisée. Il éprouve les partis politiques et remet en cause les réelles motivations de l’engagement politique des militants. Quitter un parti quand on ne se sent plus en phase avec ses orientations est certes admissible, mais voguer entre les partis au gré des intérêts personnels et opportunistes relève du grand désordre, même dans une démocratie. Il faudra donc du doute, du temps et du sérieux pour diagnostiquer l’impact de ce fléau sur l’aboutissement de la réforme du système partisan. De l’audace et de la détermination pour mener à bout la réforme. De l’ouverture, de la vision et de la modestie pour fidéliser les militants.